Une visualisation digitale (DRO) pour ma raboteuse Kity 635
Lorsque l’on rabote, le bois s’appuie sur la table de rabotage en partie basse, tandis que les fers suppriment une épaisseur de bois en partie haute. C’est la distance entre la table et les fers qui détermine l’épaisseur de la pièce de bois qui va sortir. Une DRO, pour « Digital Read Out », ou en bon français, visualisation digitale, mesure cette distance avec précision, ce qui évite de devoir mesurer la pièce en sortie et d’effectuer des ajustements par tâtonnement. C’est la version numérique du vernier, coûteux et pas toujours facilement lisible, disponible sur les machines professionnelles. Ici, j’ai choisi un modèle de 150mm avec affichage déporté de chez Igaging. Finalement, il a une course de 164mm, soit près de 6″1/2, et offre une précision de lecture au 100e de millimètre, ce qui est très supérieur aux besoins du commun des menuisiers.
La DRO consiste en une piste solidaire au châssis de la machine, et un chariot coulissant sur celle-ci, qui lui sera solidarisé à la table de rabotage. L’afficheur est déporté où on le souhaite pour une lecture confortable. L’afficheur dispose d’une platine de fixation propre, mais aussi d’un dos aimanté permettant de se maintenir n’importe où sur la machine, par exemple. Le kit est composé de l’ensemble de mesure et de l’afficheur, d’une platine pour l’afficheur donc, de 3 platines de fixation, une en Z deux en cornières, de la visserie M3 et de deux jeux de piles bouton. La qualité globale semble correcte, sans excès, les platines sont en métal suffisamment solides pour ne pas plier ou induire d’erreurs de mesure. L’outil, importé des États-Unis m’a coûté une quarantaine d’euros, port compris.
Il n’y a pas sur la Kity 635 de surface adaptée au support de la DRO. Je rechigne à fixer sur le carter de protection, qui est trop court de toute manière. Je décide donc de créer un support pour l’unité de mesure et sa visualisation. Le support positionnera la réglette dans une position idéale pour la connecter à la platine de la table de rabotage, ce qui facilitera le montage et les réglages. De plus, en cas de revente, la Kity 635 reste presque intacte, et l’ensemble du système de mesure pourra être facilement démonté. Je choisis de réaliser le support en acier à l’aide d’un profilé acier de 30x15x1,5mm qui sera plus que suffisant pour ce travail. Je coupe les pièces à mesure à l’aide de ma scie à onglet qui est équipée d’une lame multi-matériaux Rage3.
Ce profilé a été enduit de phosphatant, je prépare les surface à l’aide d’un disque à lamelles de grain 60, puis 120 pour métal.
Je crée de légers chanfreins sur les parties en contact pour faciliter la suite. Voici les trois pièces préparées. Je n’ai retiré le phosphatant que sur les endroits stratégiques pour l’assemblage, sur les autres, je me suis contenté de le lisser, il servira d’apprêt garnissant.
Je marque ensuite tous les perçages sur les pièces à l’aide d’une pointe à tracer et d’un pointeau. Je repère les emplacements du matériel directement sur celui-ci, ou comme ci-dessous, à l’aide de la platine de l’afficheur.
Puis place aux perçages sur la perceuse à colonne, ici avec un foret de 2.5mm pour préparer le taraudage à M3, mais aussi avec un foret étagé pour les passe-câbles ou les réserves pour passer et fixer la boulonnerie.
La prochaine étape est la soudure. Je suis peu équipé pour cela, j’ai juste un poste à l’arc bon marché, et des baguettes trop grosses pour ce profilé bien fin. Séance de soudure délicate et pour ne pas percer. Cela m’arrivera deux fois, je comblerai, une fois le bon réglage trouvé, en apportant de la matière.
Et puis, étape indispensable dès qu’on travaille la métal : la mise en peinture. Je commence avec deux couches d’apprêt, égrainées à l’eau au P600. J’implore votre indulgence pour la cabine de peinture improvisée, un équipement plus académique est à l’étude, dans la longue liste des choses à améliorer…
Puis je réalise la mise en teinte, j’ai un rouge voisin de celui de la Kity 635, il devrait faire l’affaire. Je passe deux couches de teintes, suivies de deux couches de vernis.
Je met à profit le temps intermédiaire entre les couches pour préparer les perçages pour fixer le support. J’ai choisi de fixer sur la table de la Kity 635 plutôt que sur la machine elle même. Je trace la position idéale sur le dessus de la table, avant de pointer les perçages.
La table de dégauchissage est située juste au dessus, elle interdit l’accès à une perceuse. J’ai un problème. L’idéal serait de percer par le dessous, mais il est impossible d’obtenir une mesure fiable à cause de la tôle pliée avec un angle sur le côté de la table. Je choisis de faire un avant-trou à l’aide d’un flexible Bosch, qui passe à peine. Je suis contraint d’utiliser mon plus petit foret de 1mm, le seul qui passe ! C’est une vraie aiguille, et je crains de le casser, d’autant plus que la position est empirique pour assurer un bon maintien. Le premier trou, en appui sur le bord de la table est réalisé sans problème :
Par contre, je ne parviens pas à guider l’outil de manière suffisante pour le deuxième, car le flexible coince sous la table, la pression est trop grosse et le foret casse avant la fin.Pour m’en sortir, je décide de limer un foret de 2mm à la bonne longueur. J’aurai dû faire ça dès le départ, j’ai plusieurs forets de 2mm d’avance, et ils ne risquaient pas de casser ! Une fois les avant-trous réalisés, je perce par le dessous à l’aide d’un forêt étagé : une simple formalité.
Je peux désormais préparer les perçages de la table de rabotage à 2.5mm pour la tarauder M3. Perçage bien plus long que j’aurais imaginé. J’attribue cela sans doute à la qualité de la fonte.
Je passe au taraudage M3, je me suis guidé au départ avec une équerre épaisse, pour débuter le taraudage bien droit. J’ai eu assez de casse pour aujourd’hui !
Je fixe l’équerre avec la visserie d’origine, qui est vraiment limite pour cela, j’ai à peine 2mm de filetage pris en raison des rondelles, qui me semblent pourtant indispensable. Je vais remédier à cela. Sur la photo, l’équerre semble de travers, il n’en est rien, elle est de niveau avec le bas de la table, c’est le coin adouci de la table qui donne cette impression.
Je découpe à présent une languette dans une plaque d’aluminium de 2mm pour assurer la liaison entre la platine de la table et le chariot mobile de l’unité de mesure.
On découvre ici les fixations à l’arrière du chariot mobile. Il s’agit d’inserts M3 en triangle, installés dans le chariot en partie haute et basse de ce dernier. J’aurai pu créer une pièce alambiquée pour me fixer sur 6 ou 3 perçages, pourtant je n’ai pas jugé cela nécessaire. Si la liaison est bien rigide au niveau de la table, le chariot va suivre, même s’il est fixé que par une vis. Je perce une lumière dans la languette pour deux vis, puis je l’égalise à l’ai de d’une micro-lime.
Je revois la liaison table-platine avec 2 BTR M3 en acier 8.8 qui me permettent de conserver les rondelles et de serrer fortement. Je fixe l’équerre en Z au plat aluminium à l’aide d’une BTR inox M5 et d’un écrou Nylstop, mais je crains que cette liaison ne pivote. Je perce donc deux trous M2.5 que je taraude à 3mm pour deux autres BTR M3 qui achèvent de rigidifier l’ensemble. De ce côté là, il n’y a plus grand chose à craindre. En passant, j’ai choisi de protéger le câble en le faisant passer dans le support. Le passe-câble est suffisamment large pour permettre l’amplitude du mouvement sans risque de rupture du câble à terme.
Et voici l’unité de mesure tout juste en place :
Petit regret, la géométrie de la machine, et notamment le mécanisme de descente de la table d’entrée, interdit désormais de lever la table en dessous de 20mm, car le plat alu butterait dessus. C’est un moindre mal, car je ne passe jamais de bois en dessous de ces épaisseurs, tel quel dans la machine, je le fixe avec du double-face sur un support, pour éviter les problèmes d’usinages inhérents aux pièces de faible épaisseur. De toute manière, le rabotage de pièces fines est exceptionnel pour moi, j’ai dû le faire 5 fois dans toute ma vie. J’aurai pu, et c’est encore possible, réaliser une pièce de liaison contournant l’obstacle, mais j’ai préféré privilégier une liaison courte et linaire. D’abord car c’était simple, ensuite car plus la pièce est longue, plus elle risque d’être flexible et entrainer son lot d’erreur de mesures.
J’ai fixé la réglette à l’aide de BTR Inox, le chariot passe à quelques millimètres à peine du carter. On voit bien que la grandeur de la réglette interdisait de la fixer sur la machine.
L’afficheur est situé derrière le guide parallèle en position dégauchissage, pour le protéger au maximum d’un involontaire coup de madrier. La lecture est orientée vers ma position lorsque l’introduis du bois lors du rabotage. La lecture est bonne, même si un écran rétro-éclairé aurait été plus confortable. Il reste à configurer l’ensemble et à réaliser quelques tests pour juger de la précision de l’outil.
Finalement, le protocole de réglage est simplissime. Je n’ai même pas eu le temps de réaliser de clichés, en 30 secondes c’était réglé : on rabote une pièce, on mesure son épaisseur, on entre l’épaisseur dans la DRO, et c’est tout !
J’ai passé plus de temps à vérifier que la mesure était correcte, et elle l’est. La pièce a une variation sur la longueur de +-1/10e de millimètre, mais plus généralement de +-6/100e, ce que j’attribue à la qualité de coupe de la machine. Avec des bois tendres, je mesure +-12/100e, soit un écart plus grand dû, sans doute , à l’écrasement irrégulier de la matière sous l’action de la machine. Toutes ces mesures sont excellentes pour une machine de cette gamme, et au delà des attentes d’un menuisier.
Je suis extrêmement satisfait de cette amélioration de la machine, qui, pour une somme très raisonnable, apporte un vrai plus. Le rabotage à la cote est désormais inratable. Et le confort d’utilisation est indéniable. J’invite celles et ceux qui hésiteraient encore dans une amélioration de ce genre, à ce lancer les yeux fermés. Cette petite Kity 635 est réellement surprenante, de part sa qualité inattendue, et d’autre part, pensez que pour trois centaines d’euros en tout, je dispose d’une machine précise au 10e de millimètre avec un affichage digital. C’est proprement imbattable à ce niveau de prix.