Plaidoyer pour la Culture
Qu’est-ce que la Culture ?
«La culture, dans son sens le plus large, est considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances.» (UNESCO, Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles. Conférence mondiale sur les politiques culturelles, Mexico City, 26 juillet – 6 août 1982.)
« Enrichissement de l’esprit par des exercices intellectuels » (Larousse 2014)
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La Culture n’est pas du divertissement superflu ou oiseux.
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La Culture englobe le Patrimoine, qui n’est pas un élément majeur ou déterminant.
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La Culture est l’univers du symbole en opposition à celui du chiffre.
Le développement culturel s’organise autour de deux leviers : la démocratisation culturelle(accès à la Culture sur la base d’une Culture conventionnelle, quantifiable) et dans la démocratie culturelle (diversité culturelle participative, pour et par les publics).
La Culture est-elle un droit ?
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Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l’effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l’organisation et des ressources de chaque pays. (Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948) Art.22)
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Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent. (Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948) Art.27.1)
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(…) Elle concerne l’accès à l’information, aux œuvres, au patrimoine, aux pratiques culturelles, artistiques amateurs et professionnelles, aux médias télévisuels, à la culture numérique : elle implique la prise en considération de tous les citoyens dans leur diversité, dans la conception et la mise en œuvre des politiques culturelles, dans la création et la gestion des établissements culturels, de leurs offres, de leurs politiques des publics, dans la fabrication des produits des industries culturelles. (Définition de l’accessibilité Culturelle (2010) Pôle Européen de l’Accessibilité Culturelle)
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Les États parties au présent Pacte reconnaissent à chacun le droit: de participer à la vie culturelle; (…) Les mesures que les États parties au présent Pacte prendront en vue d’assurer le plein exercice de ce droit devront comprendre celles qui sont nécessaires pour assurer le maintien, le développement et la diffusion de la science et de la culture. (…) (Résolution 2200 AXXI du 16/12/1966. Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. En vigueur depuis le 03/01/1976 Nations Unies, ratifié par la République Française)
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Considérant que l’accès du citoyen à la culture en tant qu’acteur ou utilisateur est une condition essentielle de la pleine participation à la société, CONVIENT d’encourager la coopération avec le Conseil de l’Europe et l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), notamment par l’échange d’expérience en matière d’accès à la culture, (…) (Résolution du Conseil de l’Union Européenne 25 juillet 1996 : 96/C 242/01)
Les Chiffres clés de la Culture
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57,8 G€ de valeur ajoutée, 7 fois plus que le secteur automobile (Inspection Générale des Finances 12/2013)
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104,5 G€ d’apport global de la Culture à l’économie française (IGF 12/2013)
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3,2 % du PIB soit 50 % de plus que l’agriculture et la pêche réunis (IGF 12/2013)
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L’impact total de la culture compte pour près de 6% de la valeur ajoutée de la France (IGF 12/2013)
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Spectacles : 4,3 Mil.€ dépensés par les ménages par an soit 3x plus que le cinéma (1,4 Mil.€) (DEPS, chiffres clés de la Culture 2013)
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8,1 % des dépenses des ménages (INSEE TEF 2014)
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1,5 millions d’emplois (2,5 % des emplois en France) : 670,000 emplois dans les entreprises culturelles + 870.000 professionnels de la culture qu’emploient les entreprises non culturelles (Inspection Générale des Finances 12/2013)
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Avec 18,1 % les services culturels sont la plus grande part des dépenses de loisirs des français devant «jardinage et animaux de compagnie» 15,1 %, soit près du double des services sportifs et récréatifs 9,7 % (INSEE TEF2014)
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Spectacles, musées, cinéma : 2e occupation du temps libre des Français (2,5) derrière la pratique de la musique et de la danse (2,6). Toutes les activités culturelles sont classées dans le Top 3 devant le sport (2,4) (INSEE TEF 2014)
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N’est pas majoritairement subventionnée. La collectivité n’y contribue que d’un peu plus de 1/3 : 21,5 de 57,8 Mil.€ (IGF 12/2013)
A quoi sert la Culture :
Pour le développement économique et le développement local
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Les activités culturelles ont un important effet d’entraînement sur le reste de l’économie(IGF 13/2014)
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Il existe « une corrélation positive » entre la présence d’une implantation culturelle et le développement socio-économique d’un territoire. (IGF 12/2013)
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La Culture et la Créativité ont été le moteur des développements urbains les plus marquants récemment : Bilbao, et en France Nantes une réussite incontestable. (Cf. concept, programme et label de « Villes Créatives » – la créativité comme facteur de développement durable – de l’UNESCO)
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Améliorer l’attractivité et l’image de la commune. Offrir une visibilité territoriale.
Pour le développement social et le développement personnel
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« Enrichissement de l’esprit par des exercices intellectuels » (Larousse 2014)
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Permet de comprendre et intégrer son environnement social
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Structure les individus
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Construit et scelle les liens sociaux de l’individu au groupe et de groupe à groupe.
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La Culture est le sens de l’existence commune, c’est l’expression de la Civilisation. L’individualisme et l’isolement sont précisément son contraire.
Les risques et conséquences des baisses des budgets de la culture
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Restriction d’un droit universel et fondamental
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A contresens du Droit International et Européen
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Baisse de qualité de l’offre culturelle (amateurisme, restriction de l’offre)
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Implique moins de démocratie culturelle(Bleu pluriel, on pourrait à terme rayer pluriel)
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Précarisation du secteur économique Culturel
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Une part importante du budget de la structure est réinvestie localement (chiffrer)
Pourquoi il faut préserver et maintenir la Culture de proximité
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Il n’y a pas de point mort en terme de développement. Soit on progresse, soit on régresse. Le choix de la régression a des conséquences durables et parfois irréversibles.
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Combat déjà infiniment inégal avec culture de masse (3h50 de TV par jour en moyenne, individus de 4 ans et plus – CSA 2012)
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Comme l’éducation la Culture éveille et élève, tandis que la culture de masse endort et réduit
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Les Français sont parmi les européens les plus attachés à la Culture, leurs loisirs et leurs dépensent l’attestent.
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L’offre Culturelle doit suivre l’intérêt de la population, même s’il faut continuer à se battre contre la culture de masse pour continuer à créer du lien et fédérer de plus en plus de citoyens.
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L’attractivité d’une commune vient principalement de « la vie » qui l’anime : commerces, services, et Culture. Ils sont interdépendants les uns des autres. Les villes « dortoir » se caractérisent précisément par la disparition liée des trois éléments.
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Les communes doivent s’affirmer par des choix culturels forts ou se résigner à déléguer à terme à d’autres communes la vie culturelle et commerciale.
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Un équipement public qui fonctionne au ralenti ne diminue pas significativement le coût d’ordre de marche, premier volume de dépense. Parallèlement, ça restreint sa capacité d’équilibrage de ses budgets.
Conclusion
Nous avons compris que la préoccupation est d’alléger les charges de la commune. Nous avons démontré que la Culture était une nécessité et qu’une diminutions sèche de ses budgets entraîne des conséquences en terme d’attractivité, de développement, de satisfaction citoyenne, de vie sociale.
Au lieu du recul et de la perte, ne pouvons-nous pas réfléchir aux moyens d’équilibrer les budgets tout en développant d’avantage l’offre culturelle et le lien social ? Des solutions existent, il est possible de les mettre en place au sein d’un plan quinquennal.
Que proposer si la baisse est confirmée ?
Plan quinquennal pour équilibrer les budgets et renforcer l’offre culturelle
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Déterminer les modalités
– Objectif culturel
– Objectif d’équilibrage par an, sur 5 ans
– Latitude et autonomie concédée à la structure et sa gestion
– Part des rentrées financières consacrées au projet culturel de Bleu Pluriel -
Champs possibles de rentrées financières
– Part du programme consacré aux propositions positives financièrement
– Recherche de subventions supplémentaires
– Recherche et développement de mécénat culturel
– Possibilité ponctuelle de spectacles large public, hors abonnement
– Augmentation du taux de remplissage de la salle
– Location de l’équipement
– Hébergement d’acteurs culturels (bureaux, répétitions)
– Production et coproduction positive
– Développement de la vente boissons-restauration et produits dérivés -
Champs possibles d’économies « positives »
– Mutualisation des risques financiers au sein d’un réseau de structures
– Mutualisation des moyens et des ressources au sein d’un réseau de structures
– Mutualisation des achats au sein d’un réseau de structures
– Gestion prévisionnelle des investissements
– Développer les partenariats et échanges de communication -
Moyens à mettre en œuvre :
– Modification du logiciel de la structure en accord avec les souhaits des élus
– Intégrer dans le projet culturel les techniques du Marketing du Spectacle Vivant, facilement intégrables, ne dénaturant pas le projet culturel, car appliquées pour son unique bénéfice (Bourgeon-Renault, Filser et Puhl – 2003)
– Fédérer les leaders d’opinion des groupes sociaux au projet culturel par propositions
– Renforcer la communication autour des événements
– Instaurer des partenariats de communication avec les médias
– Initier un plan de mécénat
Quand rien n’est appris de l’Histoire, les mêmes erreurs se répètent.
Les grands hommes ont déjà plaidé contre les fausses bonnes idées.
Discours prononcé en 1848 par Victor Hugo devant l’Assemblée Nationale.
« Personne plus que moi, messieurs, n’est pénétré de la nécessité, de l’urgente nécessité d’alléger le budget. J’ai déjà voté et continuerai de voter la plupart des réductions proposées, à l’exception de celles qui me paraîtraient tarir les sources même de la vie publique et de celles qui, à côté d’une amélioration financière douteuse, me présenteraient une faute politique certaine. C’est dans cette dernière catégorie que je range les réductions proposées par le comité des finances sur ce que j’appellerai le budget spécial des lettres, des sciences et des arts.
Que penseriez-vous, messieurs, d’un particulier qui aurait 500 francs de revenus, qui consacrerait tous les ans à sa culture intellectuelle, pour les sciences, les lettres et les arts, une somme bien modeste : 5 francs, et qui, dans un jour de réforme, voudrait économiser sur son intelligence six sous ? Voilà, messieurs, la mesure exacte de l’économie proposée. Eh bien ! Ce que vous ne conseillez pas à un particulier, au dernier des habitants d’un pays civilisé, on ose le conseiller à la France. Je viens de vous montrer à quel point l’économie serait petite ; je vais vous montrer maintenant combien le ravage serait grand.
Ce système d’économie ébranle d’un seul coup tout net cet ensemble d’institutions civilisatrices qui est, pour ainsi dire, la base du développement de la pensée française. Et quel moment choisit-on ? C’est ici, à mon sens, la faute politique grave que je vous signalais en commençant : quel moment choisit-on pour mettre en question toutes les institutions à la fois. Le moment où elles sont plus nécessaires que jamais, le moment où, loin de les restreindre, il faudrait les étendre et les élargir. Et quel est, en effet, j’en appelle à vos consciences, j’en appelle à vos sentiments à tous, quel est le grand péril de la situation actuelle ? L’ignorance.
L’ignorance encore plus que la misère. L’ignorance qui nous déborde, qui nous assiège, qui nous investit de toutes parts. C’est à la faveur de l’ignorance que certaines doctrines fatales passent de l’esprit impitoyable des théoriciens dans le cerveau des multitudes. Et c’est dans un pareil moment, devant un pareil danger, qu’on songerait à attaquer, à mutiler, à ébranler toutes ces institutions qui ont pour but spécial de poursuivre, de combattre, de détruire l’ignorance.
On pourvoit à l’éclairage des villes, on allume tous les soirs, et on fait très bien, des réverbères dans les carrefours, dans les places publiques ; quand donc comprendra-t-on que la nuit peut se faire dans le monde moral et qu’il faut allumer des flambeaux dans les esprits ? Oui, messieurs, j’y insiste. Un mal moral, un mal profond nous travaille et nous tourmente. Ce mal moral, cela est étrange à dire, n’est autre chose que l’excès des tendances matérielles.
Et bien, comment combattre le développement des tendances matérielles ? Par le développement des tendances intellectuelles ; il faut ôter au corps et donner à l’âme. Quand je dis : il faut ôter au corps et donner à l’âme, ne vous méprenez pas sur mon sentiment. Vous me comprenez tous ; je souhaite passionnément, comme chacun de vous, l’amélioration du sort matériel des classes souffrantes ; c’est là selon moi, le grand, l’excellent progrès auquel nous devons tous tendre de tous nos vœux comme hommes et de tous nos efforts comme législateurs. Et bien la grande erreur de notre temps, ça a été de pencher, je dis plus, de courber l’esprit des hommes vers la recherche du bien matériel.
Il importe, messieurs, de remédier au mal ; il faut redresser pour ainsi dire l’esprit de l’homme ; il faut, et c’est la grande mission, la mission spéciale du ministère de l’instruction publique, il faut relever l’esprit de l’homme, le tourner vers la conscience, vers le beau, le juste et le vrai, le désintéressé et le grand. C’est là, et seulement là, que vous trouverez la paix de l’homme avec lui-même et par conséquent la paix de l’homme avec la société. Pour arriver à ce but, messieurs, que faudrait-il faire ?
Il faudrait multiplier les écoles, les chaires, les bibliothèques, les musées, les théâtres, les librairies. Il faudrait multiplier les maisons d’études où l’on médite, où l’on s’instruit, où l’on se recueille, où l’on apprend quelque chose, où l’on devient meilleur ; en un mot, il faudrait faire pénétrer de toutes parts la lumière dans l’esprit du peuple ; car c’est par les ténèbres qu’on le perd.
Ce résultat, vous l’aurez quand vous voudrez. Quand vous le voudrez, vous aurez en France un magnifique mouvement intellectuel ; ce mouvement, vous l’avez déjà ; il ne s’agit pas de l’utiliser et de le diriger ; il ne s’agit que de bien cultiver le sol.
L’époque où vous êtes est une époque riche et féconde ; ce ne sont pas les intelligences qui manquent, ce ne sont pas les talents, ce ne sont pas les grandes aptitudes ; ce qui manque, c’est l’impulsion sympathique, c’est l’encouragement enthousiaste d’un grand gouvernement. Je voterai contre toutes les réductions que je viens de vous signaler et qui amoindriraient l’éclat utile des lettres, des arts et des sciences. Je ne dirai plus qu’un mot aux honorables auteurs du rapport. Vous êtes tombés dans une méprise regrettable ; vous avez cru faire une économie d’argent, c’est une économie de gloire que vous faites. Je la repousse pour la dignité de la France, je la repousse pour l’honneur de la République. »Victor Hugo, Député de la Seine (groupe extrême gauche)